[Bibi, Asia] Blasphème

[Véronique M.]

Auteur: Asia BIBI avec Isabelle TOLLET
Titre: Blasphème
Genre: Document
Editeur: Oh Editions
2011
181 pages
ISBN 978-2-36107-022-9





Quatrième de couverture:

Il fait 45° ce jour-là, dans ce champ du Pendjab. Asia cueille des baies depuis plusieurs heures. Une récolte éprouvante, mais Asia et son mari ont cinq enfants à nourrir. Vers midi, en nage, Asia va jusqu'au puits le plus proche, prend un gobelet et boit de l'eau fraîche. Un verre, puis un autre.
C'est alors que sa voisine, par bêtise, crie que cette eau est celle des femmes musulmanes et qu'Asia, chrétienne, la souille en s'en servant. Le ton monte... Et soudain, un mot fuse: "Blasphème!" Au Pakistan, c'est la mort assurée. Le sort d'Asia est scellé.
C'était le 14 juin 2009. Asia Bibi est jetée en prison. Un an après, elle est condamnée à être pendue. Depuis, elle croupit dans une cellule sans fenêtre. Sa famille a dû fuir son village, menacé par les extrémistes.
Deux hommes lui sont venus en aide: le gouverneur du Pendjab et le ministre des Minorités, un musulman et un chrétien. Tous deux ont été assassinés sauvagement.
Asia Bibi nous écrit du fond de sa prison. Elle est devenue une icône pour tous ceux qui luttent, au Pakistan et dans le monde, contre toutes les violences faites au nom des religions.

Mon avis:

Ce témoignage prend aux tripes. Outre bien évidemment le problème religieux, il soulève beaucoup de questions sur la condition des femmes dans ce pays: peu ou pas d'accès à l'éducation, pas de reconnaissance civique, une condition salariale misérable et inférieure à celle des hommes à travail égal. C'est l'ensemble de ces conditions qui a causé la perte d'Asia: la réaction de sa collègue est celle d'un être incapable de changer son propre destin et qui choisit de montrer sa piètre importance en agressant une plus faible qu'elle. L'Histoire est remplie de faits identiques, tous plus cruels les uns que les autres et incompréhensibles à notre sensibilité de citoyens d'une démocratie occidentale, nourris au devoir de mémoire du génocide juif de 39-45.
Prenons déjà le mot blasphème: il nous apparaît désuet voire inconnu. Nous l'avons redécouvert le 7/01/15 avec stupéfaction. Dans l'univers d'Asia Bibi, il est commun. Dans son témoignage, elle peut citer plusieurs exemples de personnes condamnées pour cette raison, presque toutes appartenant à des minorités religieuses mais pas seulement, les musulmans eux-mêmes pouvant être l'objet de cette accusation.
Ce qui est effarant dans ce texte c'est aussi l'apparent consensus sur la réaction que la société doit apporter à ce blasphème. Asia n'a quasiment aucune occasion de se défendre, le mot ayant été prononcé, elle est mise au ban de la société! Le meurtre du gouverneur qui a tenté de l'aider ne sera pas puni!
Enfin il y a les conditions de détention, terribles et sociologiquement acceptées comme telles. Celui qui a blasphémé n'est plus rien.
Sans oublier qu'Asia est toujours incarcérée à ce jour.